A quoi sert la méthanisation ?
Nicolas et Florent Morel sont éleveurs de porcs et de vaches laitières à La Chapelle-Janson et à La Selle-en-Luitré (35). Fin 2018, les deux frères ont investi 2,5 millions d’euros dans une unité de méthanisation. Mais pourquoi et à quoi ça sert ? Ils nous expliquent.
La méthanisation, c’est quoi et comment ça marche ?
La méthanisation est un processus fondé sur la décomposition de matières organiques dégradables par des bactéries, qui agissent en l’absence d’oxygène. Sur l’élevage, nous utilisons trois sources principales pour alimenter notre unité de méthanisation : les effluents d’élevage (lisier et fumier), les résidus de cultures et de la biomasse (matières organiques pouvant se transformer en énergie) issue de CIVEs (cultures intermédiaires à vocation énergétiques), des cultures de sorgho et de tournesol que nous implantons entre deux récoltes de céréales, pour couvrir les sols et éviter qu’ils restent nus. Très schématiquement, toutes ces matières sont introduites dans un digesteur, où elles sont brassées et chauffées à 41°. En fermentant, les bactéries les transforment en biogaz, qui est épuré avant d’être injecté en continu dans le réseau de distribution de gaz de ville. Notre installation, qui est raccordée par 3,2 kilomètres de canalisations au réseau de Fougères, alimente ainsi les habitants et entreprises locales en énergie 100% renouvelable, à hauteur de la consommation annuelle d’au moins 800 foyers. Ce qui reste après méthanisation, le digestat, est épandu. Le digestat est un excellent fertilisant naturel pour les terres, immédiatement assimilable par les plantes et très intéressant pour les cultures. Cela permet également de réduire la part d’achat d’engrais minéral, remplacé par l’engrais organique issu du digestat.
Pourquoi vous êtes-vous lancés dans ce projet ?
Pour de nombreuses raisons : la méthanisation nous permet de valoriser les déchets de la ferme, notamment les déjections animales qui étaient jusqu’alors des sous-produits d’élevage, de diversifier notre activité agricole, de nous assurer un complément de revenus, d’innover aussi. En produisant ainsi une énergie renouvelable à partir de déchets, nous contribuons au développement de l’économie circulaire et nous faisons un geste pour l’environnement. Car la méthanisation, c’est moins de nuisances olfactives, tant lors du stockage, réalisé en fosse couverte, que de l’épandage puisque le digestat est inodore, moins d’utilisation d’engrais chimiques. C’est aussi un moyen de participer à la réduction des gaz à effet de serre : le lisier se décomposant en milieu fermé, le méthane issu des déjections animales ne s’envole pas à l’air libre. Pour aller encore plus loin dans notre démarche environnementale, nous avons aussi installé des panneaux photovoltaïques qui produisent un quart de l’électricité utilisée par l’unité de méthanisation.
Comment voyez-vous l’avenir de la méthanisation ?
Nous y croyons dur comme fer ! Aujourd’hui, il y a un vrai engouement pour cette solution, vertueuse pour les fermes, l’environnement, l’emploi puisqu’il faut de la main d’œuvre pour construire, puis assurer la maintenance et la surveillance des outils. Nous sommes aussi persuadés que c’est un bon moyen pour assurer la transition énergétique vers une mobilité décarbonée. Selon certaines études, le bilan carbone d’un véhicule roulant au bio GNV (gaz naturel pour véhicules) serait même meilleur que celui d’un véhicule électrique. Nous avons d’ailleurs investi dans deux utilitaires et une voiture roulant grâce à cette énergie et fait installer en avril une station autonome qui va nous permettre de produire et d’utiliser notre propre carburant. Nous devrions aussi bientôt utiliser l’un des tous premiers tracteurs roulant au bio GNV.