L’agriculture est-elle bonne pour le climat ?
Les décisions prises par Erwann et Gwenaëlle Etrillard sont bénéfiques pour le climat et l’environnement. Ils font aussi ces choix pour des raisons économiques. Souvent, les deux sont d’ailleurs liés…
Installé en 2015 sur l’exploitation familiale, Erwann Etrillard a été rejoint par sa sœur Gwenaëlle en 2018. Tous les deux, avec un salarié, gèrent un troupeau d’environ 100 vaches limousines et un atelier de poules pondeuses en bio. Il y a deux ans, ils ont décidé de devenir totalement autonomes pour la nourriture du cheptel bovin « pour maîtriser le coût et obtenir une alimentation de qualité homogène. » Une orientation qui va aussi dans le sens d’une réduction des gaz à effet de serre puisque les aliments sont produits directement sur la ferme.
Une variété de cultures
Auparavant, les bovins étaient nourris avec de l’herbe et du maïs. De l’aliment était acheté en complément. Pour être plus indépendants, les producteurs ont implanté de la féverole, du triticale et un mélange de pois et triticale. Des cultures mises en place entre les céréales et le maïs sont aussi des compléments d’alimentation et occupent le sol en hiver, ce qui limite l’érosion. « Nous avons fait des analyses de composition des récoltes pour constituer un aliment équilibré pour les animaux », soulignent les agriculteurs. En destabilisant les ravageurs sur les parcelles, cette alternance de cultures joue aussi un rôle dans la réduction des produits phytosanitaires.
Les bovins transforment des végétaux qui ne sont pas consommables par l’homme en protéines de très haute qualité.
Moins de passages d’outils, moins de carburant
Autre technique mise en œuvre par les agriculteurs qui va dans le sens d’une réduction des gaz à effet de serre : le sans labour, débuté il y a plusieurs années. « Cet automne, comme la pluviométrie a retardé les travaux, j’ai tout semé en direct dans les couverts végétaux avec un outil spécifique », explique Erwann Etrillard, en ajoutant que le semis direct apporte « un gain de temps et de carburant. »
Autre atout climat, les haies et bosquets sont nombreux sur le parcellaire. « Pour éviter que les animaux ne les approchent trop, nous avons mis des clôtures. Nous souhaitons augmenter le nombre de haies. Elles protègent les animaux, réduisent l’érosion, stockent du carbone… » Par ailleurs, les prairies sont gardées cinq ans sur l’exploitation ce qui réduit les passages d’outils et le déstockage de carbone.
Des œufs bio en vente directe
L’atelier de poules pondeuses bio a été créé à l’installation de Gwenaëlle (2 poulaillers de 2 000 poules). Parfaitement intégrés au paysage, les bâtiments en bois pourraient accueillir des panneaux photovoltaïques dans le futur… Les agriculteurs commercialisent tous les oeufs en direct sous la marque « Les œufs de Gwen » dans des magasins ou des Amap à 100 km maximum autour de l’exploitation. Cela permet de limiter les transports et favorise aussi la préservation du climat. « C’est intéressant d’aller au contact de nos clients, de faire des animations dans les points de vente, de montrer notre implication dans notre métier », expliquent les deux associés qui souhaitent à l’avenir développer la vente directe en viande bovine également.
Agnès Cussonneau, journaliste Paysan Breton
Témoignage de Erwann et Gwenaelle Etrillard, agriculteurs à Renac (35)
L’œil de l’expert :
Contrairement aux idées reçues, l’élevage est porteur de solutions pour le climat. Certes les bovins émettent des gaz à effet de serre, mais ils transforment des végétaux qui ne sont pas consommables par l’homme (herbe, co-produits) en protéines de très haute qualité. Un monde sans élevage est un non-sens pour nourrir l’ensemble de la planète. Par ailleurs, les prairies pâturées par les bovins stockent du carbone. Le stockage pourrait encore être augmenté avec de l’agroforesterie. Si elles n’étaient pas entretenues, ces terres s’enfricheraient et brûleraient comme on le voit aujourd’hui dans certains pays. La grande part d’herbe dans les élevages de bovins viande permet enfin de réduire les produits phytosanitaires et les engrais minéraux. Un autre atout de taille pour réduire les gaz à effet de serre et préserver l’environnement. Jean-Louis Peyraud, directeur de recherche à l’Inrae