Que font les agriculteurs pour lutter contre les algues vertes ?
À Langoat (22), Anthony Damany, associé, et Sophie Simon, salariée, expliquent comment, à l’échelle d’un élevage porcin, les pratiques quotidiennes ont évolué pour limiter l’impact de l’activité agricole sur l’environnement.
« Nous ne sommes pas là pour abîmer l’environnement. Au contraire, nous en vivons, nous en dépendons », démarre de but en blanc Sophie Simon, salariée sur l’élevage Damany. Sur cet atelier de 435 truies en système naisseur-engraisseur Label Rouge, Anthony Damany, l’un des propriétaires, aimerait que le grand public reconnaisse par exemple les progrès accomplis en matière de maîtrise des fuites d’azote (nitrates) vers les eaux du milieu naturel. « Nous sommes sur un territoire sensible, le bassin versant du Guindy, et sommes parfaitement conscients des enjeux », explique le jeune homme dont l’exploitation compte des parcelles de plusieurs hectares contiguës à des rivières.
Des bandes enherbées et des talus protègent les cours d’eau
« Les pratiques ont tellement évolué depuis des décennies. Cela me paraîtrait inimaginable de cultiver au bord de l’eau. » Partout, une bande enherbée de 20 m minimum est aménagée, sanctuarisée en quelque sorte, en guise de barrière de protection. « Et chez nous, systématiquement, des talus sont dressés comme précaution supplémentaire pour éviter tout risque d’érosion ou de lessivage de surface à proximité des ruisseaux. »
Une fertilisation ultra précise
L’éleveur rappelle tout de même que la fertilisation reste la base de l’agronomie, du système cultural, comme pour un particulier qui cultive un potager.
« Pendant des années, jusqu’en 2016, notre territoire a été placé par l’Europe en bassin versant contentieux. Ce qui signifie que nos apports d’azote à l’hectare ont été contraints, diminués. Cela nous a poussés à être meilleurs : à apporter notre engrais à la dose optimale et au moment précis où la plante en nécessite pour son développement. » Les agriculteurs ont ainsi bé néficié au fil du temps de solutions innovantes pour « éviter toute surfertilisation » : analyses de sol pour connaître les éléments fertilisants déjà disponibles, utilisation d’OAD ou Outils d’aide à la décision comme l’appareil N-tester mesurant dans la parcelle l’état des besoins de la culture… Sans oublier les nouvelles technologies au rendez-vous de l’épandage de préci sion du lisier. On peut bien sûr parler des pendillards, rampes permettant de déposer les déjections au plus près du sol pour éviter odeurs et volatilisation d’azote ammoniacal (précurseur de gaz à effet de serre), et l’enfouissement dans la demi-journée. « Notre prestataire de services, l’Entreprise de travaux agricoles Briand à Caouënnec, s’est aussi équipé d’un capteur qui analyse en continu la valeur du lisier épandu : en fonction de la richesse en azote d’un lisier plus liquide ou plus concentré, l’épandage est ajusté en instantané en modifiant la vitesse d’avancement du tracteur ou le débit. » Pour Anthony et Sophie, « la prise de conscience de la profession » concernant l’environnement se vit et se voit au quotidien sur les exploitations.
Des outils pour éviter toute sur-fertilisation.
Toma Dagorn, journaliste Paysan Breton
L’œil de l’expert :
Les efforts engagés par le monde agricole paient. Par exemple, un cours d’eau comme le Gouessant dans les Côtes d’Armor a vu sa concentration en nitrates plus que divisée par deux entre 1994 et aujourd’hui. Partout en Bretagne, les teneurs baissent, mais pas au même rythme. Cependant, face au phénomène de prolifération des algues, il faut persévérer et progresser encore. D’autant que la marée verte est injuste : certaines baies, avec peu de nitrates dans l’eau, subissent des manifestations importantes, alors que d’autres, avec des teneurs plus importantes, ne verront pas de marée verte. Les agriculteurs tirent dans le bon sens. Mais personne ne peut maîtriser la géographie, la pluviométrie, l’ensoleillement… Sylvain Ballu, Responsable marées vertes, Centre d’étude et de valorisation des algues, Pleubian (22)