Amandine Garnier
Bonjour, merci à Christophe et Edmond d’avoir animé Agribretagne la semaine dernière.
Je m’appelle Amandine Garnier, j’ai 33 ans, mariée depuis 10 jours avec 1 enfant. J’ai grandi en Sarthe. À 18 ans, je suis partie au Cameroun avec ma mère et mon beau père. À mon retour en France, j’ai passé un BTS commerce international, puis une licence logistique internationale. J’ai travaillé 8 ans dans le transport international (dans une petite entreprise familiale avant de rejoindre deux plus gros groupes). Mon dernier poste ne s’est pas bien terminé. J’ai eu gain de cause au final, mais je n’avais plus envie de travailler dans ce milieu.
Je suis revenue chez mes parents pour faire le point. Après un accident de ma mère, il lui fallait quelqu’un pour la seconder sur son centre équestre et son gîte. Je me suis installée à la maison et j’ai recherché une activité qui me permettrait d’être disponible sur la structure équestre durant l’été. La grosse période pour les escargots étant en novembre et décembre pour les marchés de Noël, ça tombait bien !
En décembre 2017, j’ai passé un BTS ACSE en un an au CFPA de Combourg. En parallèle, je me suis lancée en février 2018 et je me suis fait la main avec un petit parc dans un paddock inutilisé du centre équestre à Saint-Broladre (35).
Je suis vice-présidente de l’association « Héliciculteurs du Grand Ouest ». L’association compte 35 héliciculteurs et un fournisseur membre honoraire. Elle nous permet d’acheter du matériel ou de l’aliment en commun. Je fais partie du Conseil d’Administration de Bienvenue à la Ferme Bretagne.
Bonne semaine avec les @Escargots de la Baie !
J’élève des escargots gros gris. Les clients recherchent des escargots de Bourgogne, mais ils confondent avec la recette à la bourguignonne. La variété historique de Bourgogne n’existe plus naturellement. Les escargots qu’on trouve en général dans les magasins sont importés de Turquie ou de l’Est. Ils font la même taille, c’est moins cher mais c’est plus caoutchouteux. Pour rentrer dans les chiffres, 16 000 tonnes d’escargots sont consommées chaque année en France, soit 424 millions d’escargots. 97% sont importés. Nous sommes 450 éleveurs professionnels, nous couvrons 3% de la consommation annuelle, il y a donc de la place.
Le gros gris, c’est aussi savoureux que le petit gris que l’on trouve dans les jardins et aussi gros que le bourgogne. Il est pas mal pour l’élevage car il est mature au bout d’un an.
Les 2 premières années, j’ai essayé le naissage mais je n’ai pas la structure pour. Il faut maitriser l’humidité, la température… et je n’ai pas le bâtiment ici pour le faire. Je fais appel à un autre producteur, Jean-Philippe Rousseau en Charente Maritime. Il a 30 ans d’expérience dans l’escargot et c’est un spécialiste en naissage. Les naissains sont traités avec du Defi’flor : les bactéries lactiques vont empêcher les mauvaises bactéries de s’installer. On refait ce traitement en préventif durant l’année.
Leur nourriture principale est le couvert végétal : phacélie, colza fourrager, vesce, moutarde blanche, radis fourrager et navette. Ce couvert est riche en polyphénol, qui va occuper le terrain bactérien avec de « bonnes bactéries ». Ce polyphénol va renforcer les défenses immunitaires des escargots. Il faut savoir qu’on n’a pas d’antibiotiques pour les escargots, on doit donc empêcher qu’ils tombent malade. Je complète le couvert avec de la farine (maïs, blé, son), 2 fois par semaine.
J’ai beaucoup appris durant ma première année : j’avais mis en place un filet italien (non électrifié) pour ne pas que les escargots s’échappent. Bon, ils s’échappaient quand même. Nous n’avions pas mis de filets anti-oiseaux ; des étourneaux ont mangé 25% du cheptel en 10 minutes. L’année suivante, en avril, je me suis installée officiellement et je me suis équipée. Le parc est passé d’un parc de 300 m² à 3 parcs de 300 m², avec un filet d’enceinte basse tension et un filet anti-oiseaux.
Lors de la formation, j’avais pris l’option agro-écologie. Je ne suis pas en bio (il faudrait que j’augmente le prix pour être rentable) mais je pratique une agriculture raisonnée sans pesticides. J’ai un couvert végétal riche pour ne pas nourrir mes escargots qu’avec de la farine. Je l’ai semé en 2019, en test. J’ai resemé en 2020 les parties du parc qui en avaient besoin. Je sèmerai à nouveau le parc en 2021.
Toujours dans cette optique raisonnée, j’ai fait le choix de baisser la densité de population pour limiter l’exposition aux bactéries. L’escargot est un animal très sensible aux bactéries et notamment à la pseudomonase qui s’attaque à leurs poumons. La mort est systématique quand l’animal est atteint, il se liquéfie dans sa coquille et c’est contagieux. J’adopte une optique prophylactique, moins d’escargots dans mes parcs (40 par m² contre 200 à 300 pour d’autres élevages), moins de risques.
Dans les autres risques, je compte les mulots et les rats. Pour autant, je refuse de mettre de la mort-aux-rats compte-tenu de la présence d’autres animaux.
En février, je prépare les parcs : filets électrifiés et anti-oiseaux et je fais pousser le couvert pour qu’il fasse environ 10 cm à l’arrivée des petits. Je prospecte pour les futurs marchés.
On achète les petits au mois de mars. Quand ils arrivent, ils ont la taille d’une tête d’épingle, 1 à 2 mm de diamètre. Je prépare le parc en avance avec mon couvert végétal. Je mets des planches pour faire des abris et des mangeoires. En parallèle, je fais les salons bien-être en distribuant la marque Mlle Agathe.
En avril, je les mets dans le parc. Je poursuis les marchés (1 par week-end) et les portes ouvertes de printemps avec Bienvenue à la Ferme.
À partir de mai et durant l’été, j’ai une grosse période de marchés : Saint Méloir, Dol et à partir de l’année prochaine, Saint Lunaire.
Je ramasse les escargots fin septembre, fin octobre en fonction du temps. Les marchés s’arrêtent dans cette période, j’en profite pour prendre de l’avance dans la transformation car la période hivernale est chargée en marchés et en cuisine. Pas de pause entre Noël et Nouvel An ! Le repos arrive en janvier-février et c’est bien mérité !
Je transforme moi-même mes escargots. Je loue la cuisine de la salle polyvalente de Roz sur Couesnon. L’intérêt, c’est que je maîtrise le loyer. Pour un labo, il faut investir plus de 70 000 € et pour l’instant, ce n’est pas jouable. C’est un labo de 100 m², je suis en cours d’agrément Europe avec la DDCSPP pour pouvoir exporter une partie de la production. Jusqu’à présent, dans la procédure d’installation, j’étais en dérogation d’agrément et je ne pouvais vendre que dans un rayon maximum de 80 km autour de l’élevage.
Lors de la récolte, ils font 3-4 cm de diamètre et entre 21 et 25 g. Leur coquille s’est solidifiée, ils sont matures sexuellement et il faut les récolter avant qu’ils ne puissent se reproduire. Pour la récolte, nous sommes 3-4 de front, à genoux et on ramasse les adultes. On laisse les plus petits qu’on récoltera un mois plus tard. On ramasse les trois parcs en une semaine. Ils sont ensuite stockés en cagettes aérées et fermées. Ils vont sécher pendant 15 jours dans un entrepôt ventilé pour sortir l’humidité qu’ils ont. Quand ils sont secs, on les dépose dans une chambre froide positive (entre 3 et 5°) pour simuler un hiver doux. Ils se mettent en hibernation et s’operculent.
Je les garde 2 semaines dans la chambre froide. On prélève les quantités nécessaires pour faire les marchés. Je les ébouillante pendant 3 minutes et je les décortique. Les coquilles vont dans un bac et sont lavées, la chair dans un autre. Cette chair est blanchie avec du vinaigre et du gros sel (la méthode remplace le dégorgeage de nos ancêtres, qu’on a abandonné et qui impacte la qualité de la chair). Ça a un effet nettoyant, le sel décolle le mucus. Les chairs sont rincées plusieurs fois et court-bouillonnées. Chaque producteur a sa recette avec des aromates et des légumes, j’utilise pour ma part des aromates. Les intestins et les appareils reproducteurs sont jetés. C’est obligatoire pour l’espèce que j’élève (le dard reproducteur de l’escargot « dard d’amour » lui permet d’hameçonner son partenaire fait 7 mm de cartilage. Se le planter dans la joue, ça fait mal).
J’avance dans la recette, je prends les coquilles sèches, je recoquille et je prépare nos beurres maison. J’en ai 4, dont 3 que j’utilise régulièrement : à la bourguignonne (ail, persil et échalotte, recette classique), tomates séchées et basilic, roquefort. Je fais un beurre aux noix sur commande. Je farcis les coques avec la chair et une dose de beurre et je lisse avec le pouce pour qu’il soit beau.
Je les dispose par 12 dans une assiette que je mets sous vide. Ça limite l’impact bactérien et ça rallonge la DLC.
Je propose d’autres préparations : croquilles (gaufrettes d’escargots), bouchées à la reine, mini-feuilletés, tartelettes, escargotines (terrines beurre maison et escargots sur du pain toasté) … Pour Noël, je les présente en cassolette, avec des champignons et du foie gras.
Mon conjoint est cuisinier, son expérience m’est très précieuse pour développer des recettes. J’ai été primée à 2 concours gastronomiques l’année dernière, un européen et un régional. Ça aide à se faire connaître et ça rassure les clients !
Pour la commercialisation, nous vendons les escargots au marché de Dol de Bretagne d’avril à fin août et de novembre à décembre, là où on a démarré. On fait le marché de Cherrueix en novembre décembre. On peut faire jusqu’à 3 marchés par week-end. Les restaurateurs nous demandent. Ils sont 6 pour l’instant, d’Avranches, Cancale, Saint Malo, Dinan et Dinard. Une dizaine d’épiceries du 35 proposent nos produits. Le bouche à oreilles fonctionne.
On ira peut-être même jusqu’en Chine. Un collègue ostréiculteur nous a orienté vers un de ses clients chinois, passionné de made in France. Les certifications que je passe en ce moment vont vers ce but. Mes expériences précédentes de logisticienne m’aident bien pour prétendre à cela.
Je fais également des bocaux, juste court-bouillonnés pour que les clients puissent cuisiner leurs propres recettes. C’est le produit le plus vendu en épicerie.
Le confinement a été un problème, vous vous en doutez. Je n’avais pas accès aux marchés car j’étais considérée comme une alimentation de niche. L’activité est repartie en juin, mais avec moins de gens présents et l’interdiction de faire déguster pour raison sanitaire. Mon chiffre a baissé de 40%. J’ai pu revendre mon stock de surgelés entre septembre et octobre, mais ce n’était pas énorme. Et à nouveau, les marchés d’hiver s’annulent. Le dernier en date est le marché de Saint Coulomb. C’est extrêmement dommageable pour moi : un mois de CA vient de s’envoler. De l’autre côté, les épiceries commandent davantage, ça limite la perte à la marge.
J’ouvre ma ferme régulièrement aux groupes : enfants, personnes âgées, scolaires… Après la visite, je fais déguster mes escargots avec du cidre de producteurs du coin. J’aurais plaisir à vous y accueillir si vous souhaitez découvrir de vos propres yeux ma production !
Merci de m’avoir suivie ! La semaine prochaine, vous allez suivre Antoine Thibault, un voisin éleveur laitier pas forcément du bon côté du Mont Saint Michel …