Aurélie Le Goff-Prat
Lundi
Bonjour à toutes et à tous ! Je m’appelle Aurélie, et je suis ingénieure en expérimentation, spécialisée en cultures légumières de plein champ. Mon parcours a débuté avec un BAC STL (Science et Technique de Laboratoire) à St Pol de Léon. Suite à ma classe préparatoire en TB (Technologie et Biologie) à Rennes, j’ai choisi l’Ecole Nationale Supérieure Agronomique de Toulouse pour suivre le cursus d’ingénieure agronome en me spécialisant dans l’amélioration et la protection des plantes pendant 3 ans. Après mes études, j’ai rejoint une entreprise privée proposant des solutions innovantes pour la protection des cultures et la nutrition des plantes près d’Agen. Ce travail m’a permis d’avoir un contact direct avec les agriculteurs afin de pouvoir répondre à leurs besoins et les aider à développer des pratiques agricoles efficaces et durables.
J’ai rejoint l’équipe du Caté en 2019. La station expérimentale du Caté est un syndicat professionnel qui s’engage à apporter une valeur ajoutée aux producteurs à travers une démarche expérimentale. Notre mission est claire : « faire autant, voire plus, et/ou mieux avec moins. » Nous nous concentrons sur quatre pôles principaux : les légumes de plein champ, les légumes sous abri, l’horticulture ornementale et les champignons cultivés.
Nos essais sont cofinancés par des acteurs clés tels que le CERAFEL, la Chambre d’Agriculture de Bretagne, la région Bretagne et le département du Finistère. La station du Caté est un maillon de la filière légumière bretonne et travaille en partenariat avec les autres structures du secteur à savoir le laboratoire Vegenov, OBS, la Chambre d’agriculture de Bretagne, la station de Terre d’Essais… Nous échangeons régulièrement ensemble afin d’être réactifs.
Notre objectif est de créer de la valeur sur notre territoire et de promouvoir une diversification des cultures, renforçant ainsi notre ancrage et notre engagement envers les enjeux des producteurs bretons.
Vous allez me suivre cette semaine dans mon quotidien. N’hésitez pas à poser vos questions en commentaires !
Mardi
Avec mes deux collègues expérimentateurs, nous formons un trio spécialisé dans la culture en plein champ. Pour ma part, je suis spécialisée sur les cultures d’échalotes, d’oignons, de salades et d’endives.
Dans notre quotidien, chaque expérimentateur développe son propre programme en lien avec les demandes des producteurs. Nous sommes soutenus par un technicien de culture et deux agents techniques, qui jouent un rôle crucial dans la mise en place des essais. Notre rôle est de tester et d’adapter les pratiques agricoles pour répondre aux défis actuels et futurs de l’agriculture.
Les problématiques que nous traitons proviennent de plusieurs sources. Les producteurs, lors des commissions techniques, nous partagent leurs problématiques rencontrées pendant l’année. Ensemble, nous discutons et sélectionnons les sujets d’étude pour l’année suivante. Nous collaborons également avec des sociétés qui proposent des solutions innovantes à évaluer. Notre station expérimentale est agréée BPE (Bonne Pratique Expérimentale) par le ministère chargé de l’Agriculture, ce qui nous permet d’évaluer plusieurs années avant la mise sur le marché, l’efficacité des nouvelles solutions de protection des cultures.s. Enfin, nous répondons à des appels à projets, souvent pour des études s’étalant sur plusieurs années pour répondre aux futurs enjeux agricoles.
Grâce à ces efforts collaboratifs, nous visons à améliorer constamment les techniques de culture pour non seulement augmenter la productivité, mais aussi réduire l’impact environnemental.
Mercredi
Comme chaque jour, ma journée commence par une réunion matinale avec toute l’équipe. Ce moment est essentiel pour bien organiser notre travail et assurer une communication efficace entre nous. On discute des tâches à réaliser pour la journée, ce qui permet à chacun de savoir exactement ce qu’il a à faire.
Durant le printemps et l’été, une grande partie de mon travail se déroule directement dans les champs. Nous réalisons des notations sur différentes modalités de produits, ce qui nous aide à évaluer l’efficacité des traitements, des interventions mécaniques ou des solutions de biocontrôle que nous avons appliquées. Après chaque intervention, nous retournons sur le terrain une semaine plus tard pour effectuer de nouvelles notations et observer les évolutions. Cette approche est répétée sur deux à trois années afin de confirmer nos résultats.
C’est une démarche dynamique et rigoureuse qui reflète notre engagement pour améliorer constamment les pratiques agricoles et répondre efficacement aux besoins des producteurs.
Après avoir réalisé les essais sur mes cultures, durant l’automne, je synthétise et analyse les résultats de la saison et réalise des rapports d’essais. Ces synthèses sont ensuite présentées aux producteurs lors des commissions techniques annuelles par légumes. Pour illustrer nos travaux, je suis amenée à rédiger des articles pour notre revue trimestrielle “Aujourd’hui & Demain”. La station du Caté publie ce bulletin régional d’information technique diffusé à 1 200 exemplaires, qui est destinée en priorité aux producteurs des zones légumières de Bretagne.
Jeudi
Aujourd’hui, je souhaite partager avec vous une expérimentation que nous menons au Caté concernant la lutte contre la fusariose de l’échalote. Cette maladie représente un problème pour les producteurs, surtout depuis l’interdiction européenne d’un produit phytosanitaire. Face à cette situation, nous avons répondu à un appel à projet Ecophyto II+ avec le projet « Vinaigrette », en réponse directe à la demande des agriculteurs en quête de nouvelles solutions.
L’idée de ce projet est née d’une proposition assez surprenante : utiliser du vinaigre de qualité alimentaire pour traiter la fusariose. Début 2019, le laboratoire partenaire Vegenov a évalué différents produits (biocontrôle, substance de base…) et il s’est avéré que ce produit courant était le plus efficace contre la maladie. Pour confirmer les résultats du laboratoire, nous avons immergé un bulbe contaminé par la fusariose dans un bain composé d’eau et de vinaigre. C’est une opération habituellement effectuée par les producteurs avant la plantation pour assainir les échalotes. Les résultats préliminaires ont été prometteurs et je réalise régulièrement des interventions au national pour informer des avancées du projet.
Pour développer cette solution à grande échelle en production, nous sommes en étroite collaboration avec les conseillers de la Chambre d’Agriculture de Bretagne pour réaliser les essais en adéquation avec les pratiques des producteurs.
Dans le cadre du projet “Vinaigrette”, les CUMA (Coopératives d’Utilisation de Matériel Agricole) ont été partenaires pour l’évaluation des risques pour les opérateurs a été nécessaire. Pour cela, nous avons collaboré étroitement avec la MSA (Mutualité Sociale Agricole), qui a réalisé des prélèvements d’ambiance pour confirmer l’absence de risque pour la sécurité des opérateurs.
Le projet « Vinaigrette » se poursuit jusqu’à 2025, et nous sommes impatients de voir jusqu’où cette nouvelle technique pourrait mener. C’est un exemple frappant de la manière dont nous travaillons collectivement ensemble pour trouver des solutions durables et sûres pour nos agriculteurs.
Vendredi
Avec les récentes régulations et le potentiel retrait de certains produits phytosanitaires, il devient crucial de trouver des alternatives efficaces. C’est dans ce contexte que nous testons un robot tout à fait révolutionnaire : le FARMDROID.
Ce robot, alimenté par des panneaux solaires, est totalement autonome et peut être surveillé et contrôlé directement depuis nos smartphones. Il s’occupe du semis des graines, mais d’une manière un peu spéciale. Contrairement au semi en ligne traditionnel, le robot sème en « poquet », c’est-à-dire qu’il dépose plusieurs graines dans le même trou. Chaque emplacement de semis est ensuite enregistré par GPS.
Lorsque le robot revient, environ tous les cinq jours, il utilise un couteau pour biner entre les rangs d’oignon et surtout le plus intéressant sur le rang d’oignon précisément entre deux “poquets” d’oignon. Ce processus permet de limiter considérablement la concurrence des mauvaises herbes, qui peuvent autrement profiter de la croissance plus lente de l’oignon pour s’établir.
Pour évaluer l’efficacité de ces technologies, nous avons aussi semé des oignons de manière classique à côté, ce qui nous permettra de comparer directement les résultats.
Merci de m’avoir suivie dans mon quotidien. J’espère que vous en aurez appris un peu plus sur mon métier. Je laisse la place à Rozenn et Gilles, producteurs de lait et de légumes dans le Morbihan, à bientôt !