Guillaume Divanach
Bonjour je m’appelle Guillaume Divanach, j’ai presque 26 ans, merci à Anaïs pour la rediffusion de son témoignage la semaine dernière !
En ce qui concerne mon parcours, je suis passé par l’Ecole Le Nivot 29 Lopérec pour mon bac puis le Lycée Pommerit pour mon BTS. Après ces 5 années j’ai réalisé une licence Management des entreprises agricoles en alternance proposée par les Chambres d’agriculture de Bretagne à Pontivy. Après mes études je suis parti avec des collègues aux USA pendant un an pour travailler sur une exploitation céréalière mais également étudier à l’université du Minnesota.
Aujourd’hui, je suis salarié sur la ferme familiale située à Plonévez-Porzay dans le Finistère. J’ai pour projet de m’y installer sous peu pour prendre la relève de mon père, je serai la quatrième génération sur la ferme.
L’élevage compte 2 ateliers de productions animales. Nous sommes quatre personnes à travailler sur la ferme, mon père, moi ainsi que Thomas et Jérôme, salariés également.
Le premier atelier est un atelier de production porcine. Nous avons 135 truies naisseur/engraisseur, nos porcs charcutiers sont commercialisés sous Label Rouge au travers du groupement PORC ARMOR Evolution.
Le second atelier est une production laitière avec un cheptel de 60 vaches laitières Prim Holstein et la suite. Notre lait est collecté par Lactalis. Notre système est un système classique pour la Bretagne avec une part importante de pâturage dans la ration.
Pour alimenter tous ces animaux nous cultivons 150 hectares de terres, les deux tiers sont divisées entre la culture du maïs et des céréales (blé tendre et orge), tout ce qui est produit est consommé à la ferme. Le reste de la surface est occupé par de l’herbe pour les vaches et les génisses. La ferme adhère à une CUMA depuis 1992 pour le travail des terres.
Je suis également administrateur chez les Jeunes Agriculteurs du Finistère.
Cette semaine je vais vous parler de ce qui anime les campagnes et plus particulièrement les champs en ce moment, c’est à dire l’implantation de la culture de maïs mais également d’agribashing. Bonne semaine en ma compagnie !
Comme je vous l’ai dit hier, nous faisons partie d’une CUMA, la CUMA de l’Avenir située à Plonévez-Porzay. Elle regroupe 7 fermes en polyculture élevage sur une surface environnant les 800 ha. C’est une CUMA avec un chauffeur à plein temps, il est aux commandes d’un tracteur de forte puissance avec du matériel conséquent et s’occupe de l’entretien du matériel. Les fermes ont toutes les mêmes méthodes de conduites au niveau de leurs cultures.
Sur notre élevage, avec notre assolement, nous implantons du maïs généralement après une céréale. Les céréales sont récoltées en été et le maïs est semé au printemps suivant. Depuis quelques années la directive nitrate, au niveau Bretagne, impose une couverture des sols en hiver.
De ce fait nous implantons ce que l’on appelle un couvert végétal après la récolte. Ce couvert est également appelé CIPAN (Couverture Intermédiaire Piège à Nitrate) ou engrais vert. Cet intermédiaire permet de limiter l’érosion pendant l’hiver et de capter les nitrates avant leur lessivage. Le mélange semé se compose de phacélie et de radis chinois. Ce mélange a plusieurs avantages:
- il s’implante bien en août
- il est structurant pour le sol (grâce aux racines)
- il est gélif, très facile à détruire au printemps.
Ce couvert est semé au déchaumage en un seul passage avec un outil à disques.
Sur les parcelles proches de la ferme ou accessibles au pâturage, nous couvrons le sol avec de l’herbe. On appelle cela une dérobée. C’est différent d’un couvert végétal car là il est valorisé, l’herbe est « exportée » et non restituée au sol, soit en pâturage soit en ensilage.
Il est important de récolter et de détruire ces cultures le plus rapidement possible, dès que les champs sont praticables à la fin de l’hiver, pour que cette biomasse ait le temps de se décomposer avant le semis mais également parce que ces plantes peuvent puiser dans le stock de nourriture du sol qui est censé alimenter le maïs.
Après s’être occupé des couverts végétaux, il faut apporter au sol des nutriments pour le maïs que l’on va implanter. Vu que nous avons des animaux sur notre élevage, nous gérons leurs déjections. Elles se présentent sous deux formes d’effluent chez nous :
- le fumier (effluent solide : déjections + paille)
- le lisier (effluent liquide : uniquement les déjections)
Le fumier nécessite du temps pour se décomposer dans le sol, c’est pour cela qu’il faut l’étaler et l’enfouir dès que possible pour qu’il puisse avoir le temps de se décomposer et qu’il soit en mesure de libérer ses nutriments au moment où le maïs en aura besoin. On épand du fumier environ tous les 3 ans sur chaque parcelle car il a une action sur le temps.
Pour le lisier, il existe une réglementation au niveau de l’épandage. En ce qui nous concerne, nous n’avons pas le droit d’épandre du lisier pour la culture de maïs avant le 15 mars par rapport au risque de lessivage. Cette date varie en fonction de la situation géographique de la ferme. Le lisier est épandu avec une tonne à lisier. Depuis environ 20 ans nous avons fait le choix en CUMA d’équiper notre tonne d’une rampe dit à pendillards. Cette rampe nous permet de déposer le lisier au plus près du sol pour limiter les pertes atmosphériques de l’azote, élément principal du lisier. La rampe à pendillard permet également de limiter les odeurs lors de l’épandage. Il est très important d’incorporer le lisier le plus vite possible dans le sol car il y a aussi des pertes en le laissant sur le sol. Le lisier à un effet plus direct que le fumier.
Les épandages et les volumes d’épandages sont calculés en fonction de :
- la culture mise en place
- des besoins des plantes
- de la culture et de l’interculture précédente
- de la valeur nutritive des effluents
- de l’historique des épandages sur la parcelle (possibilité de reliquat d’une année sur l’autre)
Les effluents sont importants pour notre élevage, ils entrent dans une économie circulaire. Ils sont produits par nos animaux et servent à nourrir les plantes qui vont à leur tour nourrir les animaux. Les fumiers et lisiers sont également important pour nourrir et entretenir la flore du sol. La meilleure valorisation possible de nos effluents nous permet de limiter nos utilisations d’engrais minéraux.
Une fois les épandages réalisés, nous enfouissons les effluents et travaillons le sol en même temps. Depuis quelques années nous avons arrêté de labourer pour l’implantation du maïs. Nous utilisons un outil à dents et disques, nous allons jusqu’à 20 cm de profondeur suivant les types de sol.
Pour finir la préparation de la terre avant le semis, on utilise un outil avec des petites dents, il nous permet de casser les plus grosses mottes, d’affiner la terre et de niveler le terrain. Il ne faut pas affiner de trop la terre car, en cas de forte pluies, il pourrait se créer une croute à la surface du sol que l’on appel croûte de battance. Trop de particules fines de terre risqueraient également être emportés lors d’averses importantes.
Vient ensuite le semis. Les variétés sont choisies en fonction de la destination du maïs (ensilage ou grain) mais également de la situation géographique. Chaque variété a un indice de précocité, cela correspond au besoin en chaleur de la plante pour atteindre la maturité. Plus l’indice est élevé et plus la plante aura besoin de chaleur et inversement.
Les semis débutent en général fin avril, le maïs est une plante qui n’aime pas le froid. La graine est semée en rang avec un semoir de précision à environ 5 cm de profondeur et une graine tous les 13 cm.
Depuis plusieurs années certains produits de traitement des semences nous ont été retirés. Nous rencontrons de plus en plus de problèmes liés aux ravageurs qui viennent soit manger la graine soit déterrer les plans (cf photos) pour manger des larves en proximité de la graine (notamment les choucas).
Notre objectif est que la graine germe le plus vite possible pour se mettre hors de danger même si les choucas s’attaquent à des plants déjà bien développés.
Ces ravageurs entrainent des pertes de rendements donc économiques surtout quand il faut resemer. Les parcelles décimées ou resemées n’atteindront pas le niveau de rendements escompté.
Avant d’être financier, le préjudice est aussi psychologique et moral nous devons passer plus de temps en surveillance des parcelles et nous nous trouvons malgré tout démunis face à la prolifération des choucas par exemple.
Pour finir la semaine, je voulais vous parler d’un évènement qui a marqué l’histoire de notre ferme. La nuit du 28 août dernier, des antispécistes se sont introduits sur l’élevage et y ont laissé des tags d’une violence inouïe. En s’en prenant à une ferme familiale, c’est toute une famille qui est touchée et choquée.
En réponse à cette attaque nous avons décidé de recouvrir ces inscriptions d’une fresque symbolique qui rappelle le rôle fondamental de l’agriculture. Cette fresque réalisée par l’artiste HEOL ART nous a également permis de nous détacher de l’image qu’il nous restait de ces horreurs.
Par leurs propos, ces activistes ne respectent le travail fait par des hommes et des femmes passionnés par leur métier, l’élevage. Des normes nouvelles améliorent les conditions de confort, de logement des animaux, pour peu qu’elles ne dégradent pas totalement les conditions de travail.
Ces activistes avec des références historiques déplacées (le mot est faible) manquent également de respect aux familles qui ont perdu certains des leurs avec le nazisme dans une période très sombre de l’Histoire.
À ces remises en cause violentes de l’élevage s’ajoutent d’autres sur les engrais, la protection des cultures et tout cela pèse sur le moral des jeunes (et moins jeunes) qui veulent s’installer et entreprendre. Cela peut vite les décourager.
Alors qu’elle produit des aliments sains et variés, l’agriculture est souvent décriée et trop fréquemment les reportages ou émissions dans les médias sont soit nostalgiques (c’était mieux avant) ou alors à charge contre une agriculture qui innove et utilise des procédés modernes.
En voyageant, j’ai eu l’occasion de visiter des élevages aux USA, en Russie… J’ai même visité un élevage 150 fois plus grand que le mien (ferme de 9 000 vaches). Et après ça, on vient nous dire que nos élevages sont des usines… On peut être fier de notre agriculture familiale bretonne qui est, de loin en avance dans certains domaines, surtout en matière d’environnement. Les progrès ne sont pas forcément tous visibles à l’œil nu ou du bord de la route.
C’est pour cela que nous sommes ouverts au dialogue à condition d’être respectés.