Isabelle Le Page
Lundi
Bonjour, merci à Hélène et à Sébastien pour leur témoignage la semaine dernière ! Je m’appelle Isabelle Le Page, je suis productrice de fraises à Plougastel (29) depuis 2016.
Je n’ai pas du tout un parcours agricole et je ne suis pas issue du milieu. J’ai fait des études de secrétariat. Je me suis mariée jeune à un agriculteur. Comme je n’avais pas vraiment commencé ma vie professionnelle, je suis restée travailler sur l’exploitation agricole. À l’époque, nous cultivions des tomates et des laitues sous tunnel. Nous avons ensuite construit une serre en 1989, suivie d’une deuxième en 1996, pour atteindre 1,5 ha. À l’époque, je n’aimais pas trop travailler dans les tomates. Tout en m’occupant de la partie administrative de la serre, j’ai fait de la prestation de service pour ISAGRI. Je formais les agriculteurs aux logiciels professionnels (paye, facturation et comptabilité),ce qui m’a permis de connaître et d’apprécier le monde agricole riche de ses différents métiers.
En 2016, nous avons fait le choix de diversifier notre production, et nous avons donc décider de produire des fraises sur la 1ère serre de 4600 m². Je suis revenu travailler sur l’exploitation pour gérer cette activité. La culture des fraises m’a tellement plu que je me suis investie complétement dans cette activité. De ce fait, nous avons décidé, de convertir l’ensemble de l’exploitation en culture de fraises l’année suivante.
En 2018, notre fils Jordane est revenu travailler avec nous dans l’objectif de s’installer un jour.
En 2020, mon mari Claude a pris sa retraite. J’ai repris à sa suite la gérance de l’entreprise.
Aujourd’hui, nous cultivons toujours 1.5 ha de fraises gariguettes. Nous travaillons avec la coopérative Savéol depuis toujours. 3 CDI travaillent ici à l’année et nous embauchons jusqu’à 30 personnes quand nous sommes en période de récolte comme en ce moment pendant 6 mois.
Bonne semaine en ma compagnie !
Mardi
Nous passons 95% de notre temps à récolter les fraises en ce moment. Nous avons différents emballages en fonction du poids, du vendeur et du cahier des charges. Nous avons des horaires de livraison pour la coopérative Saveol, dès la fin de matinée, pour un départ immédiat vers les clients !
Le reste du temps, nous « peignons » les plants, comme vous peignez vos cheveux ! Nous sortons les hampes du feuillage pour récolter les fruits plus facilement et pour nous assurer que le fruit soit pas abimé et ni sali par le terreau.
C’est un travail long et minutieux que je vous décris en vidéo : https://fb.watch/cmcipeB7Y5/
Mercredi
La récolte va nous prendre le plus de temps jusqu’à mi-mai. Toutes les fraises sortent en même temps ! Après cela, la plante va se reposer et ressortira des hampes. Nous les repeignerons à nouveau et la plante refera un deuxième jet de fruits de juin à mi-juillet, si le climat n’est pas trop chaud.
Nous sommes la seule région où l’on arrive à faire cela, car notre climat le permet. Les autres régions s’orienteront vers des variétés plus fermes, moins délicates.
Quand la fraise a été introduite en Europe (par Monsieur… Frézier), elle n’a pas réussi à pousser à Paris, ni même à Brest. Ici à Plougastel, les faibles écarts de températures, l’humidité, les bocages qui retiennent l’eau du sol et permettent d’avoir beaucoup d’insectes qui rentrent dans les serres et nous aident à lutter contre les ravageurs, le vent de la rade… sont autant de facteurs qui rendent notre fraise incomparable 😉
Jeudi
Nous plantons les mottes au mois d’août dans du terreau. On les entretient tout l’hiver pour que les fraises soient récoltées au printemps. La récolte s’arrête entre fin juin et fin juillet selon la chaleur et la santé des plants.
Le nombre de hampes va dépendre de l’automne. En septembre-octobre, les plants fabriquent leurs hampes florales et la récolte dépendra de cette étape.
On plante dans des sacs de terreaux comme vous le faites avec vos fleurs dans les jardinières. Pourquoi pas au sol ? Parce que je ne veux pas travailler à genoux et je ne veux pas l’imposer non plus à mes salariés. La production de fraises aurait disparu si on était resté au sol, le travail était bien trop pénible et personne ne voulait le faire.
L’autre raison est que le terreau est neutre, sans maladies. Nous sommes sûrs que la culture débute sur des bases saines, sans maladies.
Vendredi
Ici, nous surveillons plus particulièrement deux ravageurs. Les premiers, les thrips, une petite mouche inoffensive qu’on trouve dans le blé et dans les jardins. Elle est minuscule mais elle adore marcher sur les fleurs et ça les abime. On voit les dégâts quand le fruit est rouge (mais c’est trop tard). On surveille donc en amont et on installe les insectes auxiliaires dès l’automne.
Le deuxième ravageur est le puceron, un grand classique. Je forme les salariés avec l’aide de notre technicien PBI Saveol, à les repérer et à nous le signaler. Ce sont eux les yeux de l’entreprise, et donc la réussite de la lutte biologique ! Pour s’en débarrasser, on apporte, également des insectes auxiliaires, les chrysopes sur le foyer. Des insectes de l’extérieur, comme les coccinelles ou les syrphes, rentrent dans la serre au printemps et nous aident également beaucoup.
Vous aurez noté les plaques jaunes dans la serre, c’est le même principe que les tue-mouches de nos grands-mères : les insectes s’y collent.
Les premières années, nous avons subi la pression de ces insectes ravageurs. Nous avons mis en place cette protection biologique intégrée et depuis, la situation s’améliore très nettement tous les ans.
Si malheureusement ces méthodes échouent, nous devons traiter avec des produits de bio contrôle. L’objectif est de ne pas arriver jusque-là, car dans ce cas nous tuons également nos insectes protecteurs. La formation des salariés est donc essentielle pour la qualité de leur travail et la détection de futurs problèmes.
Merci de m’avoir suivie et bonne dégustation !