Baptiste Coent
Bonjour, merci à Mickaël d’avoir animé la page la semaine dernière. Je m’appelle Baptiste Coent, je viens d’avoir 29 ans (et pas pressé d’en avoir 30). J’ai passé ma scolarité au Lycée Pommerit, avec une année de spécialisation en lait à l’Ireo.
Cela fait 100 ans cette année que notre famille est à Cléden Poher, avec mon arrière-grand-père. Mon père s’est installé en 1991, je l’ai rejoint en 2013.
Notre élevage laitier bio comprend 130 vaches de races croisées, avec des pies rouges à la base, 60 génisses et 8 taureaux en permanence. Nous sommes 100% en herbe, avec des vêlages de printemps sur 3 mois et nous passons en monotraite en fin de saison. Nous fonctionnons sans intrants, pas d’achats à l’extérieur et nos travaux sont délégués à un entrepreneur, à l’exception de la fenaison.
Nous avons 70 ha autour du bâtiment et 120 ha en tout. L’objectif est de ne pas resemer avant ma retraite (je resème à la main si besoin)
On prend beaucoup de stagiaires issus d’écoles d’agriculture, des bac pro et des stages de découverte. En ce moment, Gaël est avec nous.
Nos vaches sortent tous les après-midis. Elles restent dans les bâtiments l’hiver mais pas longtemps.
On pose des rounds dans les champs en août, on les ouvre pendant l’hiver dans l’objectif de faire passer l’hiver dehors aux vaches.
On mesure la hauteur de l’herbe grâce à un petit appareil. Comme ça, on connaît la quantité d’herbe disponible au pâturage.
On insémine toutes les vaches en même temps pendant une semaine et demi. On achète 50 semences sexées, cela veut dire que l’on connaîtra le sexe au vêlage. Quand les doses sont écoulées, les taureaux entrent en scène !
Les vêlages ont lieu entre février et avril. Les 24-25 premières filles renouvelleront le troupeau, nous les élevons ensemble pour qu’elles sociabilisent. Elles sont au départ en cases collectives, elles apprennent ensemble le courant, l’eau, le soleil, la pluie… Au bout d’un mois et demi elles vont dehors. À deux ans, elles peuvent se faire traire.
Les mâles partent au fur et à mesure. Nous faisons un peu de vente directe avec les veaux qui ne trouvent pas preneurs.
Toutes les parcelles sont divisées pour faire 1 ha afin que les vaches changent de champs à chaque repas. Ça en fait environ 120. On vise le meilleur rendement possible en herbe.
Comme on a plein de paddocks, on a besoin de talus. Pour cela, on recrée des haies. On en a planté 2.5 km en deux ans et on continue. Il faut que ça pousse ! On va en faire en priorité là où les paddocks n’ont pas d’abris sur les 4 bords. Sur ces plantations, nous travaillons avec Terres et bocages.
L’objectif à court terme est de passer en mono-traite toute l’année, ceci pour des raisons de performance et de qualité de travail. Quand on a des terres à plusieurs kilomètres, ça prend du temps le matin et le soir pour déplacer les vaches.
Pour l’instant, on commence la mono-traite en fin d’été. Avec les chaleurs, faire 2 traites avec la distance est compliqué pour elles comme pour nous.
Pour nous ça fonctionne. En début de lactation, nous avons entre 10 et 15% de volume en plus. À long terme sur l’année, ça fonctionne très bien.
Le lait bio est un produit de saison. C’est pour cela que je suis parti sur du vêlage de printemps. Les laiteries veulent du lait sans saisonnalité pour vendre en permanence un produit dit bio.
Or, en bio, il ne devrait pas y avoir de lait en hiver ou très peu. En Nouvelle Zélande par exemple, la laiterie ferme deux mois en hiver car tout le monde est saisonnalisé.
Je pense que le lait bio, pour aller au bout de la démarche et de son esprit, doit rester un produit de niche mais tout de même accessible.
On croise des animaux de races qui n’ont rien à voir pour récupérer les meilleurs caractères de chaque. On prend des races rustiques, typées néozélandaises (500 kilos) de plusieurs races, de la pie rouge, des frisons, des jersiaises… pour arriver à de la petite race de qualité.
Nos races vieillissent plus longtemps, on a moins besoin de renouveler le troupeau, on gagne de l’argent. L’objectif à terme est d’arriver à 10 génisses de renouvellement.
La Bretagne a l’un des plus gros potentiels au monde pour faire de l’herbe. Autant essayer d’en tirer parti. En faisant de l’élevage sur système pâturant, on dresse un très bon bilan carbone. En Bretagne, on a l’un des meilleurs résultats de ce côté-là.
Avec le système à l’herbe, on sait ce qu’on fait à chaque mois de l’année. La saisonnalité, c’est le top ! C’est une cohérence globale, de la paysannerie dans ce qu’on demande aux vaches en fonction de la saison : en hiver, on les laisse tranquille. Au printemps, on leur demande d’accélérer la production, etc.
On fait avec la nature et on réfléchit. Même en bio, le prix peut baisser ou mon herbe se modifier. On ne sait jamais trop, on suit la ligne et on s’adapte assez vite.
Notre système est atypique. Ça nous fait retrouver du savoir-faire et s’intéresser à ce qui se fait ailleurs. Il faut s’ouvrir et se former. Comme on a de la surface, il faut en tirer le maximum.
Plus facile à dire qu’à faire, c’est sûr ! Mais c’est entre agriculteurs qu’il faut s’entraider. Ma ferme est ouverte à tous ceux qui veulent voir et discuter.